Camargue : reportage photo d’un Eden de biodiversité

Article écrit pour le blog Les poissons n'existent pas

 

Des siècles durant, le Rhône a travaillé la terre. Épaulée par les vents méditerranéens, l’eau a peu à peu creusé, façonné les paysages à l’endroit où le fleuve et la mer se mêlent. Le sel et le soleil sont venus apporter la touche finale à ce delta unique en France, la Camargue.

 

Le résultat de la rencontre entre ces quatre éléments – l’eau, le vent, le soleil et le sel – ce sont des paysages uniques, typiques à la région. Une végétation adaptée aux rigueurs du climat sur cette terre si plate qu’elle paraît sans limite, et une diversité animale qui l’accompagne à couper le souffle.

 

La Camargue, c’est un mélange étonnant de grandes étendues d’eau et de vastes terres craquelées. Désert et milieu humide tout à la fois, ce milieu présente quelques subtilités aux espèces qui le peuplent. Dans la sansouire, vaste espace argileux tantôt inondé, tantôt asséché, la végétation a su dompter la force du mistral et la salinité du milieu. Les étangs, forts de leurs dizaines de milliers d’hectares, constituent un indiscutable Eden pour la faune aviaire : près de 400 espèces différentes d’oiseaux ont été observés en Camargue, et des espèces aussi emblématiques que les flamants roses y ont élu domicile. Les autres groupes d’animaux ne sont pas en reste : une dizaine d’espèces d’amphibiens, une quinzaine de reptiles, plus de 40 mammifères, mais surtout des milliers d’invertébrés. La Camargue, c’est le paradis des moustiques et des libellules. C’est aussi le paradis des photographes, et un sacré casse-tête pour les naturalistes en herbe qui essaient de déterminer les espèces qu’ils ont pu observer ! Si vous n’êtes toujours pas démangés par un désir d’aller fouler ces vastes contrés, voici un petit aperçu de ce que vous pourrez y observer, sans devoir vous mettre à quatre pattes ou vous armer de matériel de camouflage, juste en vous baladant, les yeux grands ouverts, prêts à être émerveillés.



Dans la famille des odonates, je voudrais…


Agrion élégant (Ischnura elegans)

 

Plus de 40 espèces différentes d’odonates ont été observées en Camargue. Les plus fines et délicates sont les demoiselles (ou zygoptères en jargon scientifique). Elles ont généralement les ailes repliées lorsqu’elles sont posées, contrairement à leurs cousines les libellules (ou anisoptères) qui adoptent, elles, plutôt une allure de petit hélicoptère. Les espèces photographiées ci-dessous sont parmi les plus communes de Camargue. Peu farouches, il est très facile de les observer plantées telles de petits drapeaux au sommet de la végétation.


Libellule écarlate mâle (Crocothemis erythraea)
Libellule écarlate femelle (Crocothemis erythraea)
Libellule écarlate femelle (Crocothemis erythraea)
Orthétrum réticulé femelle (Orthetrum cancellatum)
Orthétrum réticulé mâle (Orthetrum cancellatum)


En jaune et noir


Dans l’immense ordre des hyménoptères, qui regroupe guêpes, abeilles, bourdons et fourmis, il est souvent très difficile de différencier les espèces. Surtout que certains insectes d’ordres différents viennent parfois essayer de se faire passer pour des hyménoptères, à l’image de l’éristale. Cet insecte rayé jaune et noir aux allures de bourdon fait en fait partie d’un groupe de diptères bien particulier, les syrphes. Des mouches, donc ! La stratégie des quelques milliers d’espèces qui composent le groupe des syrphes est souvent de se faire passer pour des insectes plus agressifs et dangereux qu’ils ne le sont vraiment. En s’habillant tel une guêpe, ils dissuadent les prédateurs de les manger, quand bien même ils sont complètement inoffensifs.


Éristale gluante (Eristalis tenax)
Guêpe (hyménoptère), espèce indéterminée
Guêpe (hyménoptère), espèce indéterminée


Une délicate touche de bleu

 

Bien qu’il soit très courant sur les bords des chemins, l’argus bleu sait garder pour lui cet éclat azur si particulier de ses ailes. D’abord, seuls les mâles sont dotés de cette chatoyante couleur, tandis que les femelles arborent des ailes ocres ponctuées de tâches orange. Mais surtout, l’argus replie ses ailes dès qu’il est posé, nous montrant par ailleurs des motifs qui valent bien le coup d’œil. Seuls les papillons en vol offriront un petit clin d’œil bleuté à l’observateur.


Argus bleu, ou Azuré de la Bugrane (Polyommatus icarus)
Argus bleu, ou Azuré de la Bugrane (Polyommatus icarus)


Des cabrioles à chaque pas


Pour observer les criquets, il faut avoir l’œil… ou les déranger ! Car ces insectes sont des maîtres en matière de camouflage. Voyez plutôt l’éclat vert de cette espèce qui se pose sur une feuille de la même couleur, ou encore l’apparence tout à fait similaire à la terre séchée de cette autre espèce observée au sol ! Déterminer les espèces de criquet est une science subtile : les individus passent par plusieurs stades larvaires au cours de leur vie – on parle de nymphes – stades qui ne sont ni tout à fait différents, ni tout à fait identiques aux adultes !


Nymphe de criquet égyptien (Anacridium aegyptium)
Criquet de la sous-famille des Oedipodinae, espèce indéterminée
Criquet (orthoptère), espèce indéterminée
Criquet (orthoptère), espèce indéterminée
Criquet (orthoptère), espèce indéterminée


D’autres insectes en pagaille

 

Bien sûr, des dizaines d’autres espèces qui n’appartiennent pas aux groupes cités ci-dessus sont également observables en Camargue. Parfois, le contraste entre la couleur de leur corps et celle de leur environnement est si saisissant que l’observateur n’a aucun mal à les repérer, à l’instar de ces punaises qui avaient l’air bien occupées. D’autre fois, on se demande si on a bien affaire à une bestiole et pas une simple excroissance de la végétation !


Couple de graphosomes d'Italie, ou punaises arlequin (Graphosoma italicum)
Ce drôle d’insecte appartient aux hémiptères (Cicadomorpha ou Fulgoromorpha)


Plus de pattes


Les insectes ne sont pas les seules petites bêtes que l’on trouve en Camargue. Quoique classifier de « petites bêtes » les deux espèces représentées ci-dessous n’est peut-être pas l’adjectif le plus approprié. Le corps des argiopes lobées femelles peut dépasser deux cm. Plantées au milieu de toiles qui peuvent atteindre 1,5 m de diamètre, il est heureusement difficile de les louper ! D’autant qu’elles s’entendent plutôt bien entre voisines : celles que j’ai photographiées faisaient partie d’un grand quartier de toiles, des dizaines d’individus bien alignés entre chaque buisson. Les toiles sont particulièrement solides, et heureusement ! Car le vent a vite fait des les faire bouger de plusieurs dizaines de centimètres. Attention donc à ne pas approcher l’appareil trop près lorsque vous les prenez en photo !


Argiope lobée (Argiope lobata)
Argiope lobée (Argiope lobata)
 

Avec un peu plus de pattes, je vous présente la scutigère ! Peut-être plus effrayante que les araignées, cette espèce s’observe en général la nuit et… à l’intérieur des maisons ! Celle-ci était dans ma chambre… Fortes de leurs quinzaines de paires de pattes à l’âge adulte, ces prédatrices courent à une vitesse impressionnante (d’où leur nom « véloce »), et attaquent leurs proies à grand renfort de venin.


Scutigère véloce (Scutigera coleoptrata)



Quelques vertébrés…


J’avoue, j’ai fait la part belle aux petites bêtes. Les vertébrés ne sont pourtant pas en reste. Chauve-souris, lézards, grenouilles, geckos, rongeurs, serpents, renards, sangliers, tortues… Il y en a du monde ! Sans oublier les grandes stars, ces animaux sans qui la Camargue ne serait pas la Camargue : taureaux et chevaux typiques de la région, et surtout des oiseaux par milliers ! Des plus discrets aux plus chatoyants, de toutes les couleurs et de toutes les formes, de passage ou résidents permanents, ce sont près de 400 espèces d’oiseaux, par dizaines de milliers, qui peuplent ces terres accueillantes. Mes préférés ? Si vous vous demandez, c’est que vous n’êtes pas coutumier de ce blog ! Allez, la réponse plus bas pour continuer la découverte de ma belle Camargue !


Lézard des murailles (Podarcis muralis)
Cheval camarguais accompagné d’un héron garde-bœufs (Bubulcus ibis)